ANTHOLOGIE
DU PORTRAIT DE CHORISTE
Amis choristes, vous vous
reconnaîtrez certainement à travers la redoutable caricature décrite par Jean
BOUCHON né en 1955 à Lyon, personnage partagé entre la musique et la
littérature et Directeur de l'Académie de Musique de Nice depuis 1984.
Le sans gêne
Il a l’air de souffrir
quand c’est un autre qui chante. C’est pour cela qu’il se bouche toujours une
oreille. Bruyant il parle haut, interpelle le chef. Chaque chorale a son
sans-gêne, et elle doit faire avec…
Le paresseux
C’est un homme doux, un
rêveur qui s’est fourvoyé dans une chorale et ne sait pas comment s’en sortir.
Alors il reste. De pareils choristes ne sont pas dangereux. Ils donnent au
public l’illusion du nombre.
Le touriste
On le voit de temps à autre
débarquer dans la salle de répétition. On ne sait pas trop s’il fait vraiment
partie de l’équipe. Il ignore quasiment tout du répertoire mais cet authentique
figurant sera présent le jour du concert pour faire du play-back et c’est lui
qui s’inclinera le plus bas, pour saluer….
Le sportif…
En répétition, campé sur
ses pieds tel un haltérophile, il bombe bien le torse pour prendre sa
respiration, se met en apnées avant d’attaquer les notes et devient tout rouge
avant d’expulser le moindre son. Il chante de la gorge, tout en force : plus
c’est fort, mieux c’est….
Le (rare) ténor
Heureuse la chorale qui
possède des ténors. Qu’ils soient bons ou mauvais, les ténors sont des êtres
très chers. Quoi qu’il en soit, devant la pénurie, baptise-t-on volontiers
«ténor» un malheureux baryton qui souffre le martyr dans les aigus, mais qui ne
se plaint pas, fier qu’il est d’être un objet précieux…
Celui qui s’ennuie…
Consulte souvent sa montre.
Il a toujours disséminé parmi ses partitions, quelque article intéressant à
reluquer, quelque revue ou à défaut quelque chose à manger…. Il bouge beaucoup
sur place ou s’assoupit inopinément selon le cas. La plupart du temps il pense
à autre chose, il observe les murs de la salle et il souffle beaucoup. Si c’est
une dame, on peut la voir consulter ses messages sur son portable ou, entre
deux soupirs, se limer les ongles…
Le donneur de
conseil
A force de l’écouter on
finit par faire les mêmes erreurs que lui. C’est lui qui, généralement, offre
généreusement son temps en faisant perdre le leur aux autres.
Le bavard
Il a mis au point une
technique lui permettant de chanter et de parler en même temps…
Le distrait
Il est rarement à la bonne
page… Son classeur est un fouillis indescriptible : les chants sont rangés dans
n’importe quel ordre, on y trouve aussi bien la liste des commissions. Il rêve,
oublie les départs et doit rattraper les autres en cours de route.
Le braillard
Il chante plus fort que
tout le monde dès lors qu’il croit savoir sa partie…. il n’a qu’un seul credo :
fortissimo. Il est moins grave qu’une épidémie, mais fait beaucoup plus de
bruit…
Celui qui a passé
l’âge
On l’a déjà éjecté de
plusieurs chorales mais il insiste. Sa voix chevrote, il manque d’air… Ayant
perdu une partie de son acuité auditive il avance au juger et improvise
beaucoup.
La complexée
Le plus difficile est pour
elle est … de chanter ! Aussi a-t-elle une toute petite voix. Elle n’attaque
jamais franchement les notes, surtout dans la nuance forte ; elle redoute les
couacs… Celle-là peut chanter faux à satiété sans que cela dérange quiconque.
Avec son demi-décibel elle est inaudible.
Le consciencieux
Obsédé des annotations,
celui-là note tout sur ses partitions. Il souligne, surligne, multiplie les
ajouts, les couleurs, fait des renvois, des commentaires. Personne ne s’y
retrouverait. Pas même lui.
Celui qui a «de la
voix»
Pour obtenir une sonorité
harmonieuse il est nécessaire d’homogénéiser le timbre des pupitres. Les voix
les plus timbrées se voient sommées de rentrer dans le rang. Alors malheur à
celui qui possède un bel organe. Celui qui a de la voix sera souvent prié… de
se taire.
Le sensible
Un moindre pianissimo
l’émeut, il aime la musique et souvent elle le bouleverse. Il a souvent la
larme à l’œil et au premier problème relationnel, il en perd le sommeil et fond
de cinq kilos. Il souffre en silence mais la musique finit par le consoler de
tous ses maux.
Le râleur
Il n’est jamais content,
n’aime pas le programme, trouve que l’on apprend trop vite ou trop lentement,
que le calendrier est trop chargé ou trop maigre.. De toute façon la tenue de
concert est ridicule et il ne supporte pas la façon de travailler du chef…. Il
se demande ce qu’il fait là.
Les autres se posent la
même question !
Celui qui rechigne
à chanter en étranger
Il veut bien chanter
n’importe quoi, mais surtout pas en étranger. Il a l’oreille musicale, mais pas
la mémoire des sons. Sa prononciation est laborieuse, et maladroite. Il bute
sur chaque mot. C’est une souffrance pour lui et pour ses voisins.
L’enseignant
Il commet parfois l’exploit
de maîtriser les rudiments du solfège. De plus il est souvent ouvert aux
attentes du chef. C’est un élément fort appréciable pour une chorale. Bien
qu’ayant appris, à l’IUFM, à placer efficacement son larynx afin d’éviter
l’extinction, lorsqu’il chante, l’enseignant a beaucoup de mal à retrouver les
bonnes sensations. Celui-là qui ne peut s’impliquer sensuellement, le
fait…pédagogiquement…
L’informaticien
Il rentre toutes ses
partitions dans le programme de son ordinateur et les réécrit en plus gros. Car
il travaille ses chants au bureau. Souvent il arrive à la répétition avec une
autre version d’une œuvre, découverte par inadvertance sur internet. Il est
alors tout fier d’exhiber sa trouvaille. Pour lui, la musique reste avant tout
une discipline mathématique et le solfège un code binaire. Il ne communique
d’ailleurs avec les autres choristes que par courrier électronique. Rien
d’étonnant, alors, à ce que, parfois au beau milieu d’un chant, il bogue ! Et
il y aurait encore le psychologue, le dragueur, l’étudiant fauché, le naïf,
l’étourdi, celui qui a de l’ambition…le couple âgé, le juriste,
Tiens le juriste
Il ramène tout aux statuts
de l’association et à la loi. Il intervient lors des assemblées générales pour
remettre les responsables sur les rails dès lors que ces derniers s’en
écarteraient un tantinet. Avec lui on ne peut pas dévier. Il est la garantie
morale et l’assurance juridique de la chorale.
Et enfin très rare
: le choriste normal
Celui-là n’affiche pas de
tare particulière, il ne jalouse pas ses congénères, est né équilibré, n’a pas
l’esprit tordu mais aime simplement chanter. Il n’a pas une voix
extraordinaire, mais juste. Il possède quelques notions de solfège. Il a bon
caractère, ne médit jamais. Il aime bien tous styles : classique, romantique, même
la variété. Celui-là ne se fait pas remarquer, on l’oublierait presque, sinon
aux concerts : car c’est lui qui assure le mieux. C’est le choriste idéal, le
préféré du chef de choeur. Un cas … très rare .…. Il y aurait encore l’inquiet,
le cadre, l’agressif, le soliste et bien d’autres mais n’oublions pas
Le bon président
Un homme (ou une femme) qui
connaît bien le fonctionnement de la chorale pour l’avoir pratiquée pendant de
nombreuses années, il est expérimenté, compétent et respectable. Il a une bonne
présentation. Les chevelus en jogging avec piercing à la narine ont peu de
chance d’hériter de la fonction. Il sait écouter ses interlocuteurs, entendre
leurs doléances, analyser les problèmes, définir les objectifs, planifier les
actions et en fin de compte mener à bien ses projets personnels en ne tenant
compte de l’avis de personne. Donc le président doit être entêté. Cependant un
obstacle subsiste, le chef de chœur ! Et c’est bien là le drame du président
car il doit savoir humblement s’effacer devant le maestro au moment de
recueillir les fleurs du succès car, malgré ses responsabilités, le président
ne tient pas la baguette ! Cependant le président saura se rattraper et briller
en particulier quand il fera des discours. Mais que serait une chorale sans ce
fameux …
Chef de chœur
Le chef de chœur rayonne
sur ses ouailles, se pavane parmi sa cour. Caractériel, il s’enflamme
volontiers au moindre couac, devient tout rouge et pique des colères noires.
Mais c’est pour le bien de la collectivité. Capricieux, il change souvent
d’avis. Il est quelquefois bizarre mais c’est un artiste. Qu’il soit devenu
chef par vocation, par un concours de circonstances ou par le plus grand des
hasards, qu’il soit chanteur sur le déclin ou jeune prof de musique, qu’il soit
bénévole ou rémunéré, il est avant tout un être travailleur, un utopiste
ambitieux et surtout un homme extrêmement patient. Pour accomplir sa tâche il
doit avoir un moral très solide. Parmi ses nombreuses responsabilités, nous
citerons en vrac, le recrutement des choristes, le choix du répertoire,
l’élaboration d’une saison équilibrée, l’organisation des répétitions,
l’animation du groupe. Il doit être un bon communicateur. Bref un vrai chef de chœur
est tout cela à la fois : sélectionneur, entraîneur, soigneur, éducateur,
psychologue, psychiatre… Et, en plus, il doit être MUSICIEN. Alors qu’on l’aime
ou qu’on ne le supporte pas, qu’il soit respectueux ou insultant, sympa ou mal
embouché, qu’il suggère la musique ou que l’on ne comprenne rien à sa battue,
le chef est le chef, il faut lui obéir : un point c’est tout !
Propos recueillis par
Sylvie MAURICE lors du Congrès de l’ASCA du 12 octobre 2008, et publiés avec
son aimable autorisation.